Textes et Fleurs

Lettre à une idole

Consigne : une lettre écrite à l'une de vos idoles (réelle ou imaginaire).

Chère Mademoiselle Bazoche,

Vous avez illuminé trois années de ma jeunesse où je me sentais perdue, où vous flottiez comme un étendard qui m’encourageait à mille encablures devant moi.  Je ne peux repenser à cette période de mes études où vous étiez mon professeur de français et de latin sans une très forte émotion; vous étiez magnifique, douce, sensible et solide à la fois ; vous nous initiiez à la beauté des textes avec tellement de talent, de finesse, de sensibilité. J’ai plongé au cœur de tant d’œuvres qui me seraient restées inconnues ou neutres sans vous. Vous m’avez donné le goût de la lecture, de l’écriture ; vous m’avez appris le plaisir de partir en exploration dans l’univers des mots et grâce à vos délicieuses digressions sur l’étymologie, je ne peux maintenant décortiquer un mot pour en saisir le sens et l’essence sans penser à vous et vous remercier.

Mais cela vous tentiez de le donner à toutes mes camarades ; moi je vous dois bien plus encore, et cela vous ne l’avez certainement jamais deviné : dans la grande solitude dans laquelle je vivais alors, vous avez été la figure féminine qui m’a maintenu la tête hors de l’eau, contre vents et marées, comme une figure de proue au regard confiant à l’avant de mon navire qui coulait et que vous mainteniez à flot au fil de vos cours. Heureusement pour moi, j’étais dans une section littéraire et je devais vous « avoir » au moins six heures par semaine, j’aurais passé mes journées en cours avec vous si j’avais pu. Je revois encore certaines de vos postures, comment vous vous appuyiez délicatement sur un bord de table, comment vous croisiez vos bras, que d’images douces en contraste avec mon quotidien. Vous aviez une culture qui n’abaissait pas l’ignorant, un joli sens de l’humour, une voix que j’aimerais tant réentendre. Quand vous circuliez dans les allées, vous penchiez sur une élève, que de douceur et d’élégance virevoltaient alors dans la classe ; j’aurais été un garçon, je serais tombé raide-dingue de vous, comme on dirait maintenant. Oui, je vous aimais, je travaillais pour vous, plus que pour moi, je voulais vous faire plaisir par mes bons résultats et pour le mot gentil que vous auriez en me tendant ma copie corrigée. Vous avez représenté la mère que j’aurais voulu avoir, j’ai essayé de construire mon image féminine sous votre douce influence.

Je me demande si vous vous souvenez de moi ; il y a quelques années, j’ai cru trouver votre adresse et je vous ai écrit pour vous remercier de tout ce que vous m’aviez apporté, mais il n’y a pas eu de réponse ; l’adresse était-elle fausse, ne vous souveniez-vous pas de moi, je voulais tellement vous remercier … Je ne renonce pas et le jour où je mourrai, j’espère vous retrouver là-haut et vous dire tout cela de vive voix.



08/03/2014
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